[07/01/15] Envie d'agrandir... (Beth)

Le rendez-vous avait été donné. 19h30, ce qui était parfait pour elle. Gérer son patrimoine lui prenait du temps mais lui donnait aussi l’impression d’exister. De poursuivre un but. Evidemment, et sans connaître les identités de ses clients, elle ne pouvait pas se permettre d’arriver de but en blanc aux rendez-vous et de prendre les choses en main directement. Après tout, elle avait l’apparence d’une fillette de 14 ans et il n’était donc pas possible qu’elle puisse agir elle-même sans attirer l’attention. Fort heureusement pour elle, elle avait un ami. Un ami avocat, qui plus est, et qui gérait pour elle ses affaires. Son Sire le lui ayant présenté, elle avait sympathisé avec lui et ils étaient désormais très proches. Evidemment au fait de la nature de Beth, il n’était là que pour jouer le rôle de faire-valoir. Cette nuit encore, ce serait lui qui gérerait le dossier. Elle l’accompagnerait, car c’était son nom à elle qui apparaissait sur les documents.

La ponctualité était une chose importante pour la petite brune. L’occasion ne changeant pas ses habitudes, elle avait enfilé un petit jean, ainsi qu’une chemisette blanche et une petite veste à la mode. Son ami se conformant à son traditionnel costume cravate. Alors qu’il sonnait, elle se mettait légèrement en retrait. Jouant son rôle de petite fille modèle à la perfection. Les deux compères avaient établis un code discret entre eux afin de savoir quoi faire, en fonction des circonstances. Un homme vint leur ouvrir, les invitant à entrer. Intérieurement, Beth souriait. Son potentiel client semblait avoir les moyens. L’endroit était vraiment beau. Et décoré avec goût. Si l’homme qui venait de leur ouvrir se montra étonné de voir l’enfant, il n’en fit pas signe. Preuve qu’il était sans doute habitué à toutes sortes d’excentricités. Ils s’installèrent.

- Bonsoir. Je suis Maître Crowles. Le confident et le Conseil de Mademoiselle Jordan, ci présente. De par son âge, je suis tenu de l’assister lors de potentielles transactions, je suis persuadé que vous le comprendrez.

Beth s’avança d’elle-même vers le propriétaire des lieux, lui tendant une main amicale. Ses yeux bleu azur semblaient comme sonder l’âme de cette personne, lui adressant même un sourire qui se voulait chaleureux. Monsieur Crowles derrière elle veillait au grain, tel un père. Elle aimait être au centre de l'attention mais pour le coup, elle préférait s'affranchir de certaines conventions qu'elle jugeait trop ancienne. Pas assez à son image.

- Je suis enchantée. Mon ami est très protocolaire, je vous prie de ne pas lui en tenir rigueur. Si vous le voulez bien, appelez-moi Beth. Nous pourrons alors voir ce que vous a poussé à nous contacter.

Mais alors que la discussion s'apprêtait à débuter, le téléphone de l'avocat sonna. S'excusant, il se retira quelques instants pour prendre connaissance de ce qu'on lui voulait. Pendant ce temps, Beth ne pouvait s'empêcher d'étudier les traits de l'homme qui l'avait accueilli ici. Il semblait sûr de lui. Mais quelque chose gênait la jeune fille. Malheureusement, avant de pouvoir mettre le doigt dessus, son ami s'approcha d'elle.

- Mademoiselle Jordan, puis-je vous voir un instant ?

Curieuse, elle s'excusa auprès de leur hôte pour rejoindre son ami. Là, avant même de lui demander la raison de cette interruption, elle comprit que l'affaire était d'importance. Le visage de Maître Crowles était devenu aussi pâle que le sien. Sans ménagement, elle lui posa la question qui lui brûlait les lèvres : que lui voulait-il ? Il prit quelques instants avant de lui répondre, comme s'il cherchait ses mots.

- Je ne sais pas comment vous annoncer cela avec douceur alors je vais être direct. Je viens d'avoir un de mes contacts au téléphone, qui gardait un oeil sur votre mère. Il semblerait qu'elle se soit enfuie en tout début de soirée de sa chambre d'isolement. Selon toute vraisemblance, avec le concours d'une aide extérieure. La police s'est rendue sur place pour enquêter. Mon indic semble croire que quelqu'un de votre monde serait impliqué.

Elle reçut la nouvelle comme un véritable coup de massue. Si elle avait liquidé son paternel, elle avait toutefois veillé à ce que sa mère ne manque de rien. Certes, l'asile dans lequel elle avait été enfermée n'était pas le meilleur endroit au monde, toutefois elle ne craignait rien là-bas. En devenant vampire, elle s'était détachée de sa vie humaine. Mais quelque chose l'avait poussé à maintenir un pseudo lien avec celle qui avait été sa génitrice. Sa disparition, en soi, ne lui posait pas vraiment de troubles. Mais savoir qu'un vampire ait pu l'aider, voilà qui soulevait de bien nombreuses questions. Cherchait-on à l'atteindre de cette manière pour calmer ses envies de grandeur ?

Il lui fallait lever le mystère de cette affaire. Et de fait, la vente de ce bien n'entrait clairement plus dans ses priorités. D'un simple geste, elle congédia son ami qui ne s'attarda donc pas. Pour sa part, elle reprit la direction du salon, laissant apparaître une mine contrite.

- Vous m'en voyez navrée mais je me dois de vous abandonner pour ce soir. Une affaire urgente vient de s'imposer à moi et il me faut la régler au plus tôt. Mon ami vous contactera pour notre petit marché. Quoi qu'il en soit, je vous présente mes excuses et vous souhaite une bonne fin de soirée. Au plaisir, très cher.

Saluant l'homme d'un simple mouvement de tête, elle quitta l'appartement sans demander son reste, ses pensées toutes entières tournées vers cette affaire qui ne manquerait pas de lui gâcher quelques-unes de ses soirées...

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